Pendant les dernières décennies du XIXe siècle, nous avons assisté à l'émergence de nouveaux concepts, mais aussi de nouvelles identités, dans des domaines tels que la médecine, les Arts ou la littérature. Des mouvements transnationaux ont permis leur diffusion et leur réception en fonction de contextes spécifiques. L'idée de bohème s’est répandue au Portugal dès la fin des années 1860, distinguant une façon de vivre bien particulière. Elle joue un rôle essentiel dans la construction de l'identité de l'artiste ou de l'écrivain. Ceux-ci revendiquent un caractère excentrique, qui se manifeste par l'originalité et la singularité des valeurs et du mode de vie qu'ils choisissent. Cette même excentricité leur confère une position unique qui les écartent des normes sociales : on accepte généralement cette vie de bohème, tout en gardant des réserves sur les dangers qu'elle peut présenter sur les plans physique, mental et moral. Après son introduction dans la médecine par Morel en 1857, le concept de dégénérescence s’est, lui aussi, largement répandu. Au Portugal, la dégénérescence a eu un impact direct sur les pratiques médicales, engendrant des changements dans la nosologie, les pratiques d'hospitalisation (ou d'institutionnalisation) et le langage médical. Elle a joué un rôle central dans les discours sur la folie, non seulement chez les aliénistes mais aussi dans la criminologie, la critique d’art et dans la société en général. Dans le parcours de l'artiste, ces constructions issues de différentes origines, bohème et dégénérescence, semblent de plus en plus intégrées. Cette articulation renforce les aspects de singularité, d’exception, de génie et établit une vision exotique de la folie, comme porte d’entrée vers une nouvelle perspective subjective sur la réalité partagée. La littérature a diffusé ce discours scientifique, ainsi qu’une certaine manière d'être artiste, à un public plus large. Dans cet article, nous proposons de questionner et d'interpréter l’une de ces représentations littéraires : la nouvelle « La tragédie d'un homme au génie obscur », écrite en 1890 par Fialho de Almeida (1857-1911). L’auteur, qui a fait des études de médecine, a cependant préféré se consacrer au journalisme et à la littérature, se distinguant par son originalité sur la scène littéraire portugaise. Nous porterons une attention particulière à la manière dont le protagoniste est initialement associé à une vie de bohème à Lisbonne, et à la façon dont est ensuite narrée et décrite sa dégrada on mentale. Notre objectif sera d'analyser comment les modèles de comportement et de modes de vie des artistes, comme la bohème, et les théories scientifiques, comme le concept de dégénérescence, sont appropriés, interrogés ou validés dans le domaine des représentations littéraires. Nous chercherons à développer et à voir comment s'articulent le génie, le talent, la vie artistique et la folie dans cette nouvelle, rapprochant la fiction narrative du parcours de vie de l'auteur et du contexte socioculturel et médical de la création littéraire.

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Boémia,Degenerescência,Representações literárias,Fialho de Almeida

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